SORTIR DES DÉPENDANCES AVEC LE JEÛNE

Voici une réflexion sur les mécanismes de la dépendance en général et à la nourriture en particulier.
Cet article combine les pistes de réflexion d’Alexandre, auparavant médecin généraliste dans un service d’addictologie et des études scientifiques récentes.
Vous trouverez ici une analogie entre la sortie des dépendances et ce qui se passe durant le jeûne hydrique, notamment grâce aux 3 R : Réglage alimentaire, Respiration et Résolution.

EXPLICATION SCIENTIFIQUE DE LA DÉPENDANCE.

Dépendance vient du latin « addictus » qui signifie « esclave par débit ». Cela signifie être débiteur de son créancier avec le devoir de le rembourser on note une relation de dépendance à autrui. Avec une substance addictive, il s’agit bien de ce même phénomène : on devient accro à une substance et  ancré dans la dépendance.

Dans tout phénomène de dépendance à une drogue, on constate une atteinte du système nerveux central. Au fur et à mesure du développement de la dépendance, la modification progressive du cerveau qui s’éloigne de l’état initial, entraîne de plus en plus de difficultés à revenir à cet état originel.  La dopamine sécrétée par la prise de substance va opérer un lien entre les différentes zones du cerveau, ce qui crée le circuit de la gratification. Drogues et aliments empruntent les mêmes circuits de la récompense, même si les drogues provoquent une libération de dopamine dix fois plus importante que les aliments. Cette sécrétion de dopamine va déclencher un renforcement positif du système limbique, ce qui va mettre en jeu des mécanismes émotionnels et socialisants dont la sortie est difficile.

La dopamine est un neurotransmetteur exclusivement « excitateur ». Lorsqu’un  neurone est chroniquement sur-stimulé, il a tendance à mourir. Sous les assauts constants de la dopamine, il peut « éteindre » certains de ses récepteurs pour atténuer son excitation et éviter la mort. De ce fait, pour produire le même effet, il faut une quantité supérieure de neurotransmetteurs. Dans le cas particulier de la dopamine, cela signifie qu’il faut toujours plus de ce qui procure du plaisir pour obtenir la même satisfaction. C’est ainsi que le plaisir intense et chronique conduit à l’addiction. Il faut mettre sur un même plan tout ce qui procure du plaisir, l’alcool, le shopping, le sucre ou les réseaux sociaux. Le cerveau interprète ces activités comme une « récompense ». Or la clé du « circuit de la récompense », c’est la dopamine.

Le neurotransmetteur impliqué dans le sentiment de plénitude et de contentement, la sérotonine, a un fonctionnement beaucoup plus complexe que la dopamine. Lorsque vous avez une interaction sociale avec quelqu’un, l’échange de regards avec cette personne active vos neurones dits « miroirs » – les neurones de l’empathie. Ce type d’interaction induit la synthèse de sérotonine.  Quand on est heureux, on n’a pas besoin de stimulation, on se contente de ce qu’on a, de ce qu’on est, de quelques phrases échangées avec un ami, du travail dans son potager, de l’amour avec son conjoint.

Ainsi, une sur-sollicitation du système dopaminergique via les compulsions alimentaires par exemple, peut tout à fait épuiser le système sérotoninergique : les plaisirs cumulés nous éloigneraient donc du bonheur.

ADDICTION AU SUCRE

Dans la thématique des dépendances, il n’est plus possible de mettre de côté celle qui est probablement partagée par le plus grand nombre de personnes dans le monde, à savoir la dépendance au sucre raffiné.

A l’heure actuelle, de nombreuses études scientifiques tendent à prouver que le sucre est plus addictif que la cocaïne, avec des effets similaires sur l’humeur, le plaisir, l’activation du circuit de la récompense, ce qui conduit la personne à toujours vouloir plus de sucre. L’addiction au sucre est incontestable. Pour aller plus loin, vous pouvez consulter les travaux de l’équipe de S. Ahmed, chercheur à Bordeaux.

 

ADDICTION COMPORTEMENTALE

Chez les êtres humains, il ne s’agit pas seulement de la cause biochimique qui est à l’origine de l’addiction, c’est à dire le fait qu’une substance chimique se lie à un récepteur et entraîne un besoin neuronal.

En effet, si ce phénomène était la cause unique de l’addiction, on pourrait par exemple soigner un fumeur avec un substitut nicotinique seul. Or, même avec un substitut, beaucoup de fumeurs continuent tout de même de fumer, donc nous voyons bien qu’il s’agit d’une dépendance pas seulement nicotinique, mais aussi tabagique. On observe certes une dépendance aux autres substances contenues dans la cigarette, mais aussi une dépendance comportementale (le geste) et souvent sociale (le contexte de prise).

Au-delà des addictions aux différentes drogues dures, il existe également des dépendances liées au sexe ou aux jeux, donc nous pouvons tout à fait élargir la réflexion à la nourriture. Prenons l’exemple des pâtisseries industrielles, des biscuits, ou encore des sodas, qui au-delà des quantités importantes de saccharose qu’ils contiennent, sont souvent associés à des moments de plaisirs partagés entre amis et ce depuis l’enfance. Ainsi, se développent des envies compulsives pour des aliments considérés comme des aliments « plaisir ».  L’addiction se situe donc plus au niveau comportemental et reflète souvent certaines difficultés psychologiques (anxiété, impulsivité, culpabilité…)

 Nous pourrions donc parler d’une double addiction. En premier lieu, l’addiction à un aliment, en raison de sa forte influence sur le système de récompense (exemple le saccharose),  en deuxième lieu, l’addiction comportementale au fait de manger, cette fois directement en lien avec des émotions.

RÉFLEXES CONDITIONNÉS DE PAVLOV

Pour comprendre la mise en place des addictions comportementales, l’expérience de Pavlov (fin 19ème siècle) qui démontrait la création de réflexes conditionnés, reste un solide cadre d’analyse pour comprendre la mise en place des dépendances. Nous allons voir plus précisément ce que sont les lois de proximité, de répétition et d’engrammation, dans le mécanisme d’acquisition de réflexes conditionnés.

Prenons l’exemple d’un ami que vous appréciez et qui vous invite à manger régulièrement chez lui. Systématiquement, vous refusez le verre de vin qu’il vous propose et un jour, vous l’acceptez. Puis la situation va se reproduire car vous associerez progressivement le bon moment vécu avec votre ami, à la prise d’un verre de vin (loi de répétition). A force de se répéter, vous allez associez le moment de sociabilité, de détente, d’émotions positives, de partage avec le(les) verre(s) de vin (loi de proximité). Ainsi, le cerveau va intégrer la pratique et c’est ce que l’on appelle la loi d’engrammation. C’est un exemple parmi tant d’autres. Nous pourrions évoquer également le dessert sucré ou le goûter sucré à base de biscuits, pratique engrammée dès le plus jeune âge.

Si l’on analyse de façon approfondie nos habitudes alimentaires, nous pouvons prendre consciences du nombre très important de réflexes conditionnels inculqués par la famille, les institutions, la société en général. Ces pratiques vont donc former la structure cérébrale et transformer le cerveau jusqu’à faire partie de l’être humain lui-même. Nous pourrions même parler d’atteinte cérébrale et de maladie cérébrale dans un contexte socialisant. En effet, nous sommes tous accroché à quelque chose au niveau de l’alimentation, comme le carré de chocolat en dessert avec un café, le petit verre de vin, le petit bout de fromage, le biscuit…

Pavlov explique que l’on peut sortir de ce mécanisme de conditionnement, même si c’est très difficile puisqu’une fois que le cerveau est sorti de son état initial, l’autoroute neuronale.

L’astuce qui fonctionne est d’opérer une rupture totale avec le mécanisme de proximité et de répétition, par exemple décider de ne plus boire d’alcool du tout. Ainsi, l’engrammation va revenir à son niveau initial de façon progressive.

C’est ce cadre spécifique qui est proposé dans les cures de jeûne long : une rupture avec le quotidien et les habitudes journalières. Ce nouveau contexte permet ainsi un retour à soi, une réflexion, un questionnement intérieur.

COMMENT FONCTIONNENT LES CRISES DE MANQUE ?

Toute addiction génère un cercle vicieux de prise et de symptômes de manque. Ainsi, Alexandre, notre médecin, établi un parallèle entre la crise curative du jeûne ainsi que les moments répétitifs où la faim survient, et la crise abstinence avec symptômes de manque, vécue par les patients ayant des problèmes de dépendances aux drogues.

La métaphore du balancement d’une pendule symbolise l’épreuve intérieure traversée par une personne dépendante. Durant la période de dépendance, on oscille entre deux phases. On rencontre des périodes de recherche de la substance dont on est en manque. On consomme le produit, puis une fois le produit consommé (exemple : une cigarette), on repart dans une autre phase, celle de la satiété. Le manque est totalement apaisé, on se sent bien et ce jusqu’à ce que le manque se fasse à nouveau ressentir. On part alors progressivement dans l’autre sens pour calmer le stress, et éviter une crise d’angoisse éventuelle. Le cercle vicieux est alors mis en place, la dépendance bien installée.

Nous pouvons établir un parallèle entre les symptômes ressentis durant les phases de manque d’une substance addictive (alcool, café, tabac…) avec ceux éprouvés durant le jeûne. On peut en effet sentir des malaises soudains tels que la fatigue, des céphalées, voire une hypotension orthostatique lorsque le champ visuel s’obscurcit quand on se lève.

LA REGLE DES 3R POUR SORTIR DÉFINITIVEMENT DES ADDICTIONS

 Le  réglage alimentaire, la respiration et la résolution sont les trois leviers les plus puissants pour sortir des réflexes conditionnant et des addictions.

Par exemple, dans le cas d’une addiction tabagique, il est intéressant de manger beaucoup de légumes et de fruits, de supprimer la charcuterie, les plats trop lourds, afin d’améliorer la digestibilité des repas et d’éviter la cigarette de fin de repas pour digérer. Il est important également de supprimer les consommations que l’on associe à la cigarette : la bière, le café etc.

Les pratiques de respiration vont également aider à passer les moments de craving avec plus de souplesse, afin de relaxer le corps et le mental et de ne pas céder à la tentation, qui nous replongera dans un cercle vicieux de culpabilisation – consommation.

Enfin, la dernière étape, celle de la résolution, consiste à dire et à faire. Si je souhaite arrêter de fumer, il est important de le formuler, encore plus devant un groupe, et de jeter son paquet de cigarettes à la poubelle pour ancrer la décision.

DE L’IMPORTANCE DU GROUPE

Dans la prise en charge des addictions, deux axes sont développés, à savoir la consultation individuelle avec des professionnels et les groupes de parole, typiquement pour les personnes dépendantes à l’alcool. Cette pratique collective permet de créer une dynamique de solidarité, d’entraide, de soutien avec une activation de l’écoute empathique.

Durant les groupes de jeûnes, cette même dynamique se met en place. Les temps d’ateliers et de transmission permettent de comprendre les mécanismes de dépendance, afin de faciliter la prise de recul et l’élargissement de la conscience.

Développer des contacts relationnels en chair et en os.

Les dépendances et addictions seraient un résultat d’un manque de liens sociaux. Après le jeûne développer et entretenir des liens sociaux semble indispensable pour ne pas rechuter. Voir plus d’explication ici :

LES ATELIERS POUR ACCOMPAGNER LE JEÛNE

En addictologie, les médecins parlent de « craving » pour désigner le désir incontrôlé de consommer quelque chose. Celui-ci est très rapide, il part aussi vite qu’il est venu. Dans le cadre des cures de jeûne, l’envie de manger est tout à fait fugace car on pense à autre chose en faisant diverses  activités comme les auto-massages, les respirations, le qi-gong, les balades en nature, les discussions. Ainsi, l’attention est déplacée. Au lieu d’être concentrée sur le manque de nourriture et le désir ardent de combler ce manque passager, elle se dirige vers une activité qui va stimuler le corps et l’esprit en le « remplissant » d’une autre façon que par la nourriture physique.
Les ateliers de visualisation du futur soi, pratiqué durant les cures de jeûne, aident grandement à se projeter dans un futur sans présence de la substance addictive. En s’imaginant alors libéré, fort, en pleine santé, cela génère des émotions positives qui vont renforcer la prise de décision et nous orienter vers ce futur sans addiction. En effet, de nombreuses études scientifiques prouvent que notre cerveau ne fait pas la différence entre un geste réalisé physiquement et le même geste réalisé mentalement. Pour en savoir plus, vous pouvez vous référez à l’expérience réalisée par le neurobiologiste Alvaro Pascual-Leone. Grâce à une expérience avec des groupes de pianistes, il a été prouvé que le simple fait de visualiser la pratique du piano s’est traduit en amélioration concrète et physique de la pratique, sans qu’ils n’aient fait les gestes! Ainsi, en se visualisant avec de nouveaux comportements libérés des addictions, la visualisation aura un effet concret sur la réalité future.

Cela nous amène alors au passionnant sujet de la neuroplasticité. Cliquez ci-après pour en découvrir davantage.
https://www.jeunerpoursasante.fr/documentation/jeune-et-neuroplasticite-fr/

Vidéos

Vidéo d’Alexandre : Réflexion sur le jeûne et la dépendance

Vidéo de Lionel : un exemple de jeûnes répétés pour sortir des addictions

Vidéo de Jean Claude : Jean-Claude sort de ses addictions avec le jeûne

Vidéo de Quentin : Quentin traite ses dépendances avec le jeûne

Sources scientifiques

Étude sur l’addiction au saccharose.

Étude sur l’efficacité et l’efficience de la visualisation positive

Neurosciences : sérotonine vs dopamine, la chimie du bien-être

L’auteur de l’article: Pauline COMTAT

Naturopathe – Énergéticienne – Web-rédactrice

https://ma-sante-naturelle.fr/

Commentaires

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3 réactions sur “Sortir des dépendances

    1. Bonjour,
      Comme vous delphine.gade85, je souhaite retirer ma médication qui me fais beaucoup souffrir, je suis très intéressé par le jeûne pour m’en sortir mais je crains des crises de manques. J’aimerai savoir si le jeûne était bénéfique dans ce cas là. J’aimerai jeûner 1 mois, n’y a t’il pas de risque quand on est sous traitement psychotique? ( Notamment risque de manque du à ma dépendances depuis plusieurs années)?. J’espère aussi avoir une réponse svp. Si une cure est possible je m’ inscrirai sans hésiter. Merci.

    2. Bonjour Delphine,
      Le jeûne aide au sevrage médicamenteuse et à limiter les crises de manque. Seul un médecin est habilité à vous conseiller et guider pour votre sevrage.
      Bonne journée,
      Eric